Amicale des Éléphants noirs
CPIMa
68, avenue Jacques Desplats
BP 60339
81108 CASTRES CEDEX
Tel : 05 63 62 55 87
Permanence à Castres : Locaux amicale 8° RPIMa le lundi et jeudi de 14h à17h
Pour Urgence : 06 20 90 06 00
 
Président André Piaskowski
Président d'honneur Claude Bouvinet

Galerie photos du rassemblement du 07 mai 2022

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Bedo - octobre 1970

Écrit par administrateur. Posted in Liens - Patrimoine

TCHAD – OCTOBRE 1970

BEDO

 

Le combat de Bedo a été l’engagement le plus meurtrier de la CPIMa pendant la première campagne française au Tchad après l’indépendance. Il a été livré et mené seul par cette petite unité, hélas dissoute en 1975 !

Au cours de l’action, 12 Parachutistes furent tués et prés de 25 blessés plus ou moins grièvement sur les 105 personnels engagés dans l’affaire. Il est bon, six ans après l’action, les passions s’étant apaisées, d’en retracer les péripéties.

La situation dans le nord du Tchad à l’automne de 1970 est militairement tendue. En effet, sur cet immense territoire désertique (600 000 Km²), comportant d’importants massifs montagneux (l’Emi-Koussi culmine à 3 400 m), les forces de l’ordre contrôlent seulement les cinq palmeraies les plus importantes, c’est-à-dire Largeau- Zouar – Bardaï – Fada et Ounianga.

Mais elles subissent la pression d’un adversaire particulièrement adapté au terrain et au climat et de plus bien équipé. Déjà, depuis le début de l’année des combats importants y avaient été livrés, notamment au mois de mars (Gouro et Ounianga-Sérir), puis en août, de nouveau, Gouro. La CPIMa, engagée dans ces affaires, y avait perdu notamment le médecin-commandant Garcia et le lieutenant Chaussin.

Le général Cortadellas, Délégué Militaire au Tchad, bien renseigné sur l’évolution de la situation, avait décidé de donner de l’air aux différents postes du BET, qui étaient régulièrement harcelés. Pour cela on pouvait profiter de la récolte des dattes qui attire les rebelles à proximité des palmeraies, les faisant ainsi descendre de leur caillou. La CPIMa, début octobre, rejoint Largeau dans cette optique et reçoit alors la mission d’aller contrôler la ligne des palmeraies qui s’étendent entre 50 et 120 Km au NO de Faya-Largeau, la capitale du BET (Kirdimi – Anni – Yarda – Bedo – Tigui, etc.).

Pour remplir cette mission, le capitaine Canal, commandant l’Unité, dispose de trois commandos : 1er, 2ème et 4ème, commandés respectivement par les lieutenants Neau, Beaufils et Raffenne. L’adjudant Jadoule est à la tête de la section de commandement et d’appui, articulée en un élément santé (médecin-capitaine Marini), une pièce de 57-SR (sans recul) prêtée par l’armée tchadienne, et un groupe de mortiers de 81 mm sous la houlette de l’Adjudant Chan. Toute l’unité est motorisée sur Dodge 6x6.

Le terrain dans cette région du Borkou est en règle générale peu valonné. Il ressemble à une gigantesque table faite de basaltes, noirs mais qui aurait été fragmentée par d’énormes coups de marteau assenés par quelque géant ; le tout étant saupoudré de sable et taraudé par une érosion éolienne intense. Il n’y a quasiment pas de pistes dans la région, et les progressions en véhicules y sont en certains endroits fort ralenties. De plus, la température varie entre 40 et 50 °C à l’ombre durant la journée.

Dans les cuvettes, on trouve quelques palmiers dattiers qui sont la seule végétation de la région, hormis quelques graminées qui arrivent à pousser çà et là, Dieu seul sait comment ! Et qui permettent aux chameaux de se nourrir.

C’est dans ces maigres palmeraies que redescendaient les combattants toubous ou goranes, nomades noirs du Sahara, venant de leurs repaires, des contreforts du Tibesti, à plusieurs centaines de kilomètres de là.

Pour cette opération, nous escomptions trouver des petits groupes d’hommes, au plus des paquets de 20 à 30, et espérions les surprendre au gîte. Mais, hormis quelques traces de passage assez fraîches, hormis une escarmouche bizarre de nuit sur un de nos bivouacs, nous ne trouvâmes rien de concret durant toute la phase active de l’opération. La guerre du désert plus que toute autre, à notre avis, étant un problème de logistique, et nos réserves de carburant, de pièces auto, et d’eau potable s’épuisant, le capitaine décide le retour sur Largeau, notre base arrière.

Le dimanche 11 octobre, l’Unité est sur la route du retour. Nous quittons la palmeraie de Bedo vers 15 h, en direction de celle de Kirdimi, distante de 50 Km et nous roulons en convoi.

L’articulation de la colonne est alors la suivante : en tête, le 1er commando du lieutenant Neau, suivi du capitaine accompagné de sa section de commandement et d’appui, derrière vient le 2ème commando du Lieutenant Beaufils, et enfin, décroché de quelques kilomètres, le 4ème commando du lieutenant Raffenne ferme la marche.

En tout, 15 véhicules roulant espacés, à distance  poussière ayant à leur bord des parachutistes déjà aguerris et rompus aux embûches du désert. Rien ne nous laisse prévoir l’embuscade qui nous attend. A peu près à mi-chemin entre Bedo et Kirdimi, vers 16 h 00, le véhicule de tête de notre colonne (celui du lieutenant Neau) est pris à partie par des rebelles cachés dans des rochers bordant la piste à moins de 10 m, dans un endroit qui n’avait rien d’un coupe gorge.

Dès le premier coup de fusil, presque toute la colonne est prise sous le feu. Les rebelles, bien abrités, étalés sur une longueur supérieure à 1 Km, ont laissé rentrer le convoi dans une nasse meurtrière. En outre, ils ont posté des hommes de chaque côté de la petite cuvette de sable dans laquelle, nous sommes soudainement bloqués.

Le feu est d’emblée très nourri. Les rebelles au nombre d’environ 130, bien armés de fusils Enfield-303 à balles expansives, et de carabines italiennes Stati, ayant tous sur eux une dotation en munitions au moins égale à la nôtre et bénéficiant de l’appui de trois armes automatiques (FM Brenn), ajustent leur tir.

Les pertes chez les parachutistes et notamment au sein du commando de tête sont de suite sévères. La quasi-totalité de l’unité est clouée au sol et se fait tirer comme des lapins. Par trois fois les rebelles essaient de s’emparer du véhicule de tête et sont repoussés à la grenade par le Chef du 1er commando. Cependant, quelques hommes ont réussi à s’abriter derrière les premiers rochers.

Les cadres tentent de regrouper leurs hommes. Le Sergent-Chef Voronine, pour se dégager, tente un assaut désespéré, à la tête de son groupe. C’est là, dans son élan, qu’il est tué d’une balle en plein coeur. Seul le 4ème commando n’est pas pris dans la nasse au déclenchement de l’embuscade.

Le lieutenant Raffenne, entendant les compte-rendus radio, fait débarquer ses hommes à défilement au plus près, et entame à pied un débordement dans le dos de l’adversaire qui va permettre de dégager tout d’abord le commando Beaufils, lequel poussera tout de suite dans des rochers et progressera en direction de la tête du convoi.

Le 4ème commando, continuant son avance malgré 4 blessés, arrive bientôt à la hauteur des véhicules de tête de la colonne, coupant ainsi la retraite des rebelles. L’adjudant Jadoule peut alors aider sa progression finale, en l’appuyant au 57-SR, renseigné par le capitaine de l’évolution des choses.

Le sergent-chef Trémauville, dès le début de l’accrochage est resté résolument à son poste et essaie désespérément d’appeler Largeau, où stationne à moins d’une  demi-heure de vol une patrouille de chasseurs bombardiers AD-4.

Il est blessé, et remplacé par le Sergent Poupeau, lequel n’arrive pas non plus à avoir de l’aide, la station radio de Largeau, s’obstinant à passer des messages routine en déclarant que ce n’est pas l’heure de la vacation. Finalement, à la tombée du jour, vers 18 h 30, après trois assauts successifs, le commando Raffenne réussit à dégager le lieutenant Neau, un des quelques survivants du véhicule de tête, à mettre en fuite les derniers rebelles et commence la relève des blessés du 1er commando.

C’est alors à la nuit tombante, l’heure du bilan. Pour les paras, il est lourd : 11 morts, un douzième mourra en cours d’évacuation sanitaire, 25 autres sont blessés, dont le capitaine Canal et le lieutenant Neau. L’ambiance de cette nuit qui commence est pesante. Tandis que le médecin et les infirmiers s’affairent autour des blessés, le capitaine s’attache à remettre de l’ordre dans sa boutique, en ayant comme souci essentiel l’éventualité d’un retour offensif de l’adversaire.

Nos véhicules ont durement souffert et les mécanos vont travailler toute la nuit pour parer au plus pressé. Mais bientôt, nous sentons que nous ne sommes plus tout à fait seuls. La voix du commandant Dominique, ancien commandant de la CPIMa et chef de l’état-major franco-tchadien nous réconforte à la radio. Puis le ronronnement d’un bon vieux Nord-2501 se fait entendre. II tournera toute la nuit au-dessus de nous en larguant régulièrement ses lucioles. Il y a aux commandes, un copain aviateur, le lieutenant Lalloz.

Mais l’état de certains blessés est quasi désespéré, il faut les évacuer d’urgence si on veut espérer les sauver. Le sous-lieutenant Koszela, aux commandes d’une Al-II, seul hélicoptère disponible à Largeau, accompagné du capitaine Nefiolov, commandant de l’escadrille de chasse, lui servant de navigateur, exécute trois évacuations sanitaires, malgré le vent de sable qui s’est levé et les risques de pilotage de nuit pour cet appareil non équipé pour, afin de sauver les blessés.

Quand le jour se lève, les rebelles ne se sont pas manifestés. Nous entreprenons alors la fouille des lieux du combat, pendant que nos mécaniciens continuent à rafistoler nos véhicules criblés d’impacts, afin de pouvoir continuer notre route sur Kirdimi où une colonne de secours doit nous tendre la main.

Chez l’adversaire, les pertes sont encore plus lourdes puisqu’il y eut 60 tués. Nous le sûmes par la suite, par renseignements de prisonniers et en découvrant des tombes, en plus de la trentaine de cadavres laissés sur le terrain.

Une quinzaine d’armes appartenant aux rebelles furent ramenées à Largeau, ainsi qu’un drapeau du Frolinat (Front de Libération Nationale du Tchad) trouvé sur le corps d’un rebelle par le parachutiste Platel du 4ème commando, et qui est exposé au musée des TAP à l’ETAP.

On peut bien sûr tirer de multiples enseignements tant tactiques que techniques sur l’affaire de Bedo. Mais là n’est pas le but de notre propos.

Gardons seulement à l’esprit, nous parachutistes, qu’un éventuel conflit peut brutalement nous confronter demain à la dure réalité du combat si le pays nous le demande.

Général Jean-Paul Raffenne

Lieutenant - Chef du 4ème Commando

6ème CPIMa (1970-1971)

Fonds ECPAD

                   

Fonds Tchad de l'époque (1948/75)

ECPAD, 2 à 8, route du Fort

F 94205 Ivry-sur-Seine Cedex, France

http://www.ecpad.fr/

 

 

 

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